Fusariose du cyclamen : connaître, détecter et prévenir
La fusariose du cyclamen est causée par un champignon complexe dont le développement en production occasionne de lourdes pertes. Astredhor Seine-Manche et une étudiante en thèse décryptent la maladie et évoquent les nouvelles pistes pour sa gestion.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
L'institut technique horticole avance, depuis 2013, dans la recherche de solutions pérennes, économiques mais également écologiques de lutte contre la fusariose du cyclamen.
1. UN AGENT PATHOGÈNE COMPLEXE
Fusarium oxysporum est un champignon qui vit en saprophyte dans le sol et peut persister plusieurs années sous forme de spores. Cette espèce complexe comprend de très nombreuses souches qui peuvent être pathogènes de plantes, non-pathogènes, voire antagonistes. Les différentes populations de souches pathogènes de plantes appelées formes spéciales (f. sp.) sont chacune pathogènes d'une espèce. Plus d'une centaine de formes spéciales sont décrites. Cependant, la seule façon de les distinguer les unes des autres, ou de les distinguer des populations non pathogènes, est de tester leur virulence sur plante. En effet, elles montrent une grande spécificité pour leurs plantes hôtes et sont responsables de la maladie nommée fusariose. Ainsi, les souches nommées F. oxysporum f. sp. cyclaminis (Focy) sont agents de la fusariose vasculaire du cyclamen et lui sont strictement inféodées. Décrite pour la première fois à proximité de Berlin en 1930, la maladie a depuis été observée dans de nombreux pays : Angleterre, Argentine, Belgique, Brésil, Bulgarie, États-Unis, Italie, Japon, ou Pays-Bas. En France, sa présence est mentionnée pour la première fois en 1973 (Rouxel et Grouet, 1974). L'incidence de la maladie en production peut s'avérer catastrophique puisque les pertes peuvent atteindre jusqu'à 50 %.
2. UN CYCLE INFECTIEUX LIÉ AUX CONDITIONS CLIMATIQUES.
Le champignon Focy est capable de survivre et de se disséminer grâce à des spores, véhiculées par l'eau, l'air, la microfaune du sol. Lorsqu'elles sont présentes dans le substrat, elles germent, pénètrent par les racines puis colonisent les vaisseaux conducteurs de sève qui s'obstruent, causant ainsi le flétrissement caractéristique de la fusariose. Les sources d'inoculum sont diverses et souvent difficiles à identifier. Les spores pourraient provenir des supports de culture, des pots, des tablettes, du système d'irrigation, des substrats ou des solutions fertilisantes. C'est en fin de printemps ou en été que les symptômes apparaissent. La maladie se déclare souvent après plusieurs jours consécutifs de fortes amplitudes thermiques. En période de sécheresse, les besoins hydriques augmentent, ce qui accélère la circulation de la sèveet permet au pathogène de coloniser la plante plus rapidement. Généralement, les jeunes plants âgés de 3 à 4 mois ne présentent pas de symptômes de fusariose. Cependant, des prélèvements à ce stade révèlent que 2 à 5 % des cyclamens peuvent être contaminés. Des travaux effectués par la station d'expérimentation d'Astredhor Seine-Manche confirment ces résultats (rapports techniques 2009 et 2010). Pour assurer une production saine, un moyen de détection précoce du pathogène est nécessaire.
3. AUCUNE MATIÈRE ACTIVE CURATIVE
Pour lutter contre la fusariose du cyclamen, les mesures prophylactiques sont indispensables : il est en effet vivement conseillé d'effectuer une désinfection des poteries, supports de culture et système d'irrigation en fin de culture. À ce jour, il n'existe aucune matière active chimique efficace de façon curative. De nouveaux produits dits phytostimulants ou antagonistes appliqués préventivement semblent prometteurs (Van der Gaag et al., 2007). Si ces produits parviennent à retarder la maladie, ils n'arrivent pas à éradiquer le pathogène, ni même à le contrôler. La combinaison de moyens chimiques et biologiques serait le moyen de lutte le plus efficace (Elmer et al., 2002). Mais les producteurs n'ont pas encore accès à ces nouveaux produits.
4. AVANCÉES SCIENTIFIQUES
Ini- tié en 2013, le projet Fucy (Fusariose du cyclamen) a été porté par l'institut technique Astredhor et développé collectivement par Astredhor Seine-Manche, l'Inra de Dijon - UMR Agroécologie, pôle Interactions plantes-micro-organismes - (21), et la société Agrene. Sa mission était double : développer un kit de détection précoce du pathogène et identifier un ou plusieurs agents de lutte biologique efficaces contre Focy. Les travaux menés par Charline Lecomte, étudiante en thèse à Astredhor et à l'Inra de Dijon, ont permis une progression rapide du projet.
Outil de détection moléculaire
Pour définir un outil spécifique de détection, la première étape a consisté à obtenir des souches de Focy et à s'assurer de leur pathogénicité. Pour cela, une centaine de souches de F. oxysporum provenant de neuf pays différents ont été collectées. Leur pathogénicité a été évaluée pendant deux ans consécutifs (2013 et 2014). Ces travaux ont permis de différencier les souches spécifiquement virulentes sur cyclamen (Focy) de celles qui ne le sont pas. Ces souches de Focy ont ensuite été utilisées pour rechercher une région d'ADN présente uniquement chez ce pathogène. Puis d'autres micro-organismes ont été utilisés pour vérifier que cette région d'ADN n'est présente que chez Focy. Une fois la spécificité de la région d'ADN établie, la détection dans différents supports de production (substrat de culture, eau d'irrigation, tubercule, jeunes plants) est devenue envisageable. Pour cela, la technique de biologie moléculaire appelée PCR (Réaction en chaîne par polymérase) a été utilisée pour développer un outil spécifique. Cette technique, qui consiste à faire des milliards de copies d'une portion d'ADN ciblée (dans notre cas, la région d'ADN spécifique), ne nécessite qu'une faible quantité d'ADN au départ. Elle rend décelable la région d'ADN spécifique de Focy dans des plantules apparemment saines, ou dans du substrat ou de l'eau d'irrigation apparemment non contaminés. Cela permet de détecter la présence du pathogène avant qu'il n'infecte l'ensemble de la production. La définition du seuil de détection de l'outil en termes de quantité d'ADN et de stade de développement de la maladie sur plante a été déterminée et l'outil a été adapté pour également quantifier Focy.
Au bout de trois ans d'étude, le projet Fucy a abouti à la mise au point d'un outil efficace qui permet une détection et une quantification spécifique de Focy sur plante, dans le substrat et l'eau. Il y a bien sûr un seuil de détection en dessous duquel la technique ne permet pas de cibler la région d'ADN, néanmoins ce seuil est très faible. Cet outil ne devrait pas être disponible directement pour les producteurs mais plutôt pour des laboratoires de diagnostic que les producteurs pourront contacter avant l'installation de leur culture pour une détection précoce du risque de fusariose vasculaire.
Trois produits biologiques en test
Un essai a été mené en 2014 afin d'évaluer l'efficacité de 7 agents de lutte biologique contre la maladie. Ces agents de lutte biologique sont déjà présents sur le marché mais sans allégation contre Focy. Ces produits sont composés de bactéries, champignons ou de mélanges de micro-organismes et peuvent agir contre le pathogène. Ils ont été testés à différents rapports de concentrations agent pathogène/produits de lutte biologique. Les agents de lutte ont été appliqués au semis et au rempotage et Focy a été apporté une semaine après rempotage. Les résultats de 2014 ont permis de sélectionner les trois produits les plus efficaces. Ils sont testés à nouveau cette année sur les sites de Rouen - Astredhor Seine-Manche - (76) et de Dijon (Agrene). Les résultats de ces tests sont attendus très prochainement.
Le développement d'un outil de détection précoce de F. oxysporum f. sp. cyclaminis et l'identification de produits de lutte biologique efficaces contre ce pathogène devraient permettre d'apporter une double solution de prévention et de lutte pour les producteurs de cyclamen.
Marc-Antoine Cannesan (*) et Charline Lecomte (**)
(*) Responsable d'expérimentation à Astredhor Seine-Manche. (**) Doctorante à Astredhor et à l'Inra de Dijon.
Spores (macroconidies) de Fusarium oxysporum f. sp. cyclaminis. ASTREDHOR
Des essais de pathogénicité ont été menés sur des souches de Fusarium oxysporum sur cyclamen. ASTREDHOR
Test indiquant la présence (bande blanche) ou l'absence du morceau d'ADN spécifique de Focy (absence de bande blanche) chez différents microorganismes. Les noms notés en bleu correspondent à différentes souches de Focy. Les témoins négatifs correspondent à un traitement à l'eau stérile. Les autres noms correspondent à d'autres formes spéciales de F. oxysporum (f. sp. raphani pathogène du radis et f. sp. cubense pathogène du bananier) et d'autres espèces appartenant au genre Fusarium. ASTREDHOR
Pour accéder à l'ensembles nos offres :